► ARCHÉOLOGIE EXPÉRIMENTALE : RECONSTITUTION D'UN HABITAT MAGDALÉNIEN. Lucien Jourdan et Jean-Pierre Leroy,
« DES PEAUX DE RENNES, DU FIL ET UNE AIGUILLE... Essai de reconstitution d'un habitat magdalénien. »
Éditions du CNRS, 1987.
En 1980, Lucien Jourdan et Jean-Pierre Leroy décidèrent de tenter la reconstitution expérimentale d'une tente à l'aide des outils et des matériaux dont disposaient les Magdaléniens.
→ Ils partirent de la
structure au sol du plateau du Parrain (habitat découvert près de Mussidan sur la rive droite de l'Isle, en Dordogne, par le Docteur Gaussen).
→ Ils choisirent, pour des raisons de facilité, de réaliser une
charpente pyramidale, en forme de teepee, et dont la hauteur a été fixée arbitrairement à 3,50 menviron :
→ Partant du principe que "les chasseurs du Paléolithique supérieur, nomades par nécessité, ont pu mettre au point des techniques leur permettant le transport facile à dos d'hommes d'au moins la couverture de leur habitation (il parait déraisonnable de penser qu'ils l'auraient abandonnée pour en refaire une autre au prochain campement)" les auteurs ont décidé de réaliser deux demi-couvertures plus aisément transportables.
Des peaux de rennes, non tannées (mais seulement séchées) ont été disposées en trois bandes :
→
Aiguilles employées."L'expérience a montré que les aiguilles de 6 cm de long et 1,5 à 2 mm de diamètre traversent aisément les deux épaisseurs de peaux de renne, mais les doigts les cassent vers le milieu lorsqu'on cherche à les rattraper dans la fourrure. La cassure n'est pas provoquée par le travail de couture, mais par la difficulté à saisir correctement l'aiguille dans une fourrure trop dense".
"Mais en employant des aiguilles en os de 10,5 cm de long et 5 mm de diamètre, semblables à celles recueillies dans le gisement du Placard (Charente), on supprime cet inconvénient. L'aiguille est suffisamment longue pour traverser la fourrure, assez épaisse pour être manipulée sans trop de précautions et il n'y a que peu de risques qu'elle se casse". Néanmoins, il faut noter que les aiguilles de ce type sont rares dans les gisements paléolithiques.
→
Technique de couture.Pour la couture, les auteurs ont choisi le point de sujet avant.
"Afin d'assurer un maximum d'étanchéité, les peaux ont été assemblées par recouvrement des bords, la peau venant un dessous ayant été rasée à l'endroit de la couture".
"Avec une aiguille en métal, il y a économie de gestes et l'on va d'abord chercher à peser sur le chas le plus possible (d'où l'utilité d'un dé), de manière à faire passer de l'autre côté la plus grande longueur possible de l'aiguille, pour que l'autre main puisse la saisir.
Mais, tenue par le chas, une aiguille d'os aura tendance à plier et cassera inéluctablement. Il faut, au contraire, la tenir près de la pointe, à 1 ou 2 cm. Dans un premier temps, on perce ainsi les deux peaux puis, par une série de petits gestes des deux mains, poussées et tractions, on fait sortir une longueur suffisante, pratiquement toute l'aiguille, pour permettre une bonne prise des doigts sur la pointe pour la tirer avec le fil, le seul geste ample de ce type de couture".
Avec cette technique, une aiguille en os de 4 cm de long et 1,7 mm de diamètre a réalisé plus de 200 percements de peaux sèches. "Bien entendu, de grosses aiguilles de « type Placard » n'auraient pas besoin d'être maniées avec autant de précautions".
Demi-couverture obtenue :
→
Résultat / Limites.La tente ainsi réalisée semble bien résister aux intempéries (pluie, vent, neige), et la fourrure semble être un excellent isolant thermique.
Néanmoins, sur le long terme, les principaux agents de dégradation et de destruction ont l'humidité et les insectes qui se sont développés dans les peaux.
Les auteurs notent qu'à partir du même plan au sol, "une tente à poutre faîtière, moins haute que le teepee, ne nécessiterait pour sa construction que deux hauteurs de peaux, ce qui la rendrait plus facilement transportable. Elle parait également mieux adaptée au climat froid, car elle ne présente pas d'ouverture au sommet, ce qui évite la déperdition de chaleur."
Les peaux de cette expérience étaient des peaux fraiches, et peut-être des peaux tannées et assouplies auraient-elles mieux convenues aux différentes contraintes.
Le rôle capital d'un feu brulant en permanence dans la tente, ainsi que son impact sur la conservation des peaux, n'a pas été étudié.
.