Les sites magdaléniens du Velay, dans le Massif Central.
D'après BRACCO (J.-P.), 1991 : Le Paléolithique supérieur du Velay (Massif Central, France). Habitat, circulations et phases de peuplements.
in : Bulletin de la Société préhistorique française, 1991, tome 88, n°4, pp 114-121.
D'après BRACCO (J.-P.), 1996 : Du site au territoire : l'occupation du sol dans les hautes valées de la Loire et de l'Allier au Paléolithique supérieur (Massif central, France).
in : Gallia préhistoire, 1996, tome 38, pp 43-67.
Vue panoramique vers les monts du Velay. ► Situé à l'Est du Massif Central, le Velay est une région de moyenne montagne, d'environ 2 000 km², bien individualisée par ses caractères morphologiques et géologiques, et constituée de deux zones nettement différentiées :
La majeure partie de cet espace est constitué de vastes étendues de plateaux, principalement volcaniques, dont le plateau basaltique du Devès : vaste plateau de 850km² et d'altitude moyenne de 1 000 mètres, mais dont les pitons volcaniques peuvent atteindre jusqu'à 1 200 - 1 300 mètres.
Les vallées de la Loire et de l'Allier, encadrant le massif du Devès sur ses bordures orientale et occidentale, qui coulent vers le Nord et forment souvent des gorges profondes, mais dont les cours sont parfois élargis à la faveur de petits bassins d'effondrement tectonique ou par déblaiements de sédiments plus meubles. L'altitude de ces vallées est comprise entre 450 et 900 m, donc le plus souvent très inférieure à celle des plateaux qui les environnent.
Cet ensemble est entouré par des massifs montagneux d'altitude moyenne à élevée : Margeride-Cantal à l'ouest, Lozère- Tanargue au sud, Mézenc-plateau ardéchois à l'est.
Ceci offre au Velay une situation en cul-de-sac, ouvert vers le nord part son réseau hydraulique principal.
► Des travaux ont permis de reconstituer les conditions paléoenvironnementales du Würm récent : "sur tous les hauts sommets périphériques se développent des glaciers permanents selon une ligne d'équilibre comprise entre 1000 et 1200 m d'altitude. Séparant les vallées de la Loire et de l'Allier, le plateau du Devès n'est pas englacé mais recouvert d'une épaisse couche neigeuse quasi-permanente" (Bracco, 1996).
Ces conditions sévères limitent et compartimentent l'espace disponible pour les groupes humains. Dans ce contexte, la pénétration du massif par le nord, à la faveur des vallées principales de la Loire et de l'Allier, semble le seul accès praticable.
LOCALISATION DES GISEMENTS DU PALÉOLITHIQUE SUPÉRIEUR EN VELAY :
1. Abris de Blassac-les-Battants ;
2. Abris du Blôt ;
3. Le Degauve ;
4. Grotte et abris de Tatevin ;
5. Abri du Rond à Saint-Arcons ;
6. Abri de Combrai ;
7. Grotte Béraud ;
8. Grotte de La Forêt ;
9. Grotte de Cottier ;
10. Abri de Peylenc ;
11. Abri de Blazovy ;
12. Grotte Rouge du Mont Brunelet ;
13. Grotte du Rond-du-Barry ;
14. Grotte de Sainte-Anne ;
15. Abri Laborde ;
16. Abris de Baume-Loire 1 et 2 ;
17. Abri de Ceyssous-Loire ;
18. Abri de Longetraye ;
19. Abri de la Roche à Tavernat.
► LA PRÉSENCE DE RESSOURCES.→ L'EAU.Tous les sites actuellement connus en Velay, excepté celui de Longetraye, sont localisés dans les hautes-vallées de la Loire, de l'Allier ou sur leurs affluents, le plus souvent dans des abris sous-basaltiques ou bien au pied des falaises.
Notons que les prospections menées depuis plusieurs années dans la région permettent d'affirmer que cette répartition des gisements uniquement dans les vallées ne correspond pas à un état de la recherche, mais bien à un choix délibéré de la part des magdaléniens. En effet, si les vallées ont fait l'objet de nombreuses recherches, les plateaux ont eux-aussi été largement explorés par les archéologues. Et malgré les difficultés rencontrées pour identifier des sites de plein air, de nombreux gisements ont été découverts pour les périodes du Paléolithique inférieur (Soleilhac, Pié du Roi), du Paléolithique moyen (Rochelimagne), ainsi que de très nombreux gisements néolithiques et proto-historiques. "L'absence d'occupations contemporaines du seul Würm récent apparaît alors comme significative" (Bracco, 1996) : ainsi, l'occupation dans les vallées, au pied des abrupts basaltiques est le mode d'installation vraisemblablement préférentiel au Magdalénien.
Néanmoins, l'implantation des gisements semble largement tributaire des bassins et micro-bassins qui fractionnent le cours souvent très encaissé des rivières. Ainsi, la majorité des sites se trouvent dans un
environnement plutôt ouvert, délaissant les parties encaissées au profit principalement des
bassins et des zones élargies des fonds de vallées.
→ LES MATIÈRES PREMIÈRES.• Au Magdalénien ancien, des sites se retrouvent dans les deux vallées. On retrouve une industrie sur petits éclats et de courtes lames à section souvent triangulaire.
Le quartz local a été utilisé, parfois de façon assez intensive, néanmoins de nombreux silex sont d'origine exogène (sud du bassin parisien), en accord avec l'hypothèse d'une remontée le long des vallées à l'occasion d'épisodes climatiques plus cléments.
• Au Magdalénien supérieur, les silex autochtones sont de plus en plus abondants, mais on retrouve également des silex provenant du Nord ou du Nord-Est du Massif Central (des relations avec la Basse-Auvergne sont attestées également par l'étude typologique des industries). Ainsi, le Magdalénien supérieur du Velay n'apparait pas isolé, mais se rattache à un ensemble auvergnat homogène.
→ LA FAUNE.Les analyses palynologiques et paléontologiques de certains gisements situés dans les vallées (Cottier, Blôt) montrent le développement de flores arbustives et de leurs faunes associées. On retrouve ainsi des espèces adaptées aux climats froids, ainsi des espèces adaptées à des climats un peu plus tempérés et qui se sont maintenu de façon plus ou moins prononcée selon les gisements.
Bracco avance l'hypothèse qu'au cours des épisodes plus tempérés de la dernière glaciation de Würm, les vallées ont été colonisées par la faune et la flore, mais sans répercussions sur le plateau, où les études palynologiques n'ont montrer que la présence de rares herbacées durant toute la période.
Au cours du Magdalénien supérieur, l'amélioration climatique de plus en plus marquée s'accompagne de la multiplication des sites dans les vallées et de l'apparition de sites sur le plateau (Longetraye). Cette colonisation peut être due à la poursuite du renne qui remonterait dans la vallée à la recherche de conditions climatiques mieux adaptées à son mode de vie.
► LES DONNÉES GÉOGRAPHIQUES, GÉOLOGIQUES, CLIMATIQUES ET TOPOLOGIQUES.
→ Le choix des FALAISES BASALTIQUES est lié aux capacités calorifères que possède cette roche. Le basalte emmagasine en effet la chaleur lorsque la paroi est au soleil et la restitue une fois que l'ombre survient.
Cette qualité permet de remarquables écarts de températures entre les pieds de falaises basaltiques et les zones directement avoisinantes. Ainsi, J.-P. Bracco a mesuré, mi-décembre 1989, un écart de 13°C en faveur de l'abri du Rond par rapport au plateau (+9°C / -4°C). Même si le caractère abrité des falaises permet dans tous les cas un gain thermique, les écarts sont loin d'atteindre de telles proportions aux pieds des falaises granitiques.
→ L'étude de L'ORIENTATION et L'ALTITUDE des gisements montre des choix bien précis de la part des Magdaléniens : on constate qu'une majorité de gisements sont orientés selon une composante Sud, et les altitudes sont majoritairement comprises entre 500 et 900 m :
(l'orientation correspond aux points cardinaux, l'altitude est matérialisée par les cercles concentriques)
• Le choix de l'orientation correspond au rôle de "réflecteur de chaleur" des parois basaltiques : les conditions optimales des capacités calorifères des parois basaltiques sont obtenues lorsque la paroi est orientée au Sud-Est, comme l'a montré J.P.Raynal : "l'ensoleillement matinal permet à la température d'augmenter rapidement. Lorsque la paroi est à l'ombre, l'après-midi, elle restitue les calories accumulées" (Raynal, Le bassin du Puy aux temps préhistoriques, 1981).
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L'altitude des sites est également
liée aux conditions d'exposition et d'ensoleillement dans ces vallées étroites et sinueuses. L'altitude maximale est de 650 mètres sur l'Allier et de 900mètres sur la Loire. Ces altitudes correspondent à un même phénomène : un resserrement des vallées, qui deviennent alors plus étroites et sinueuses, rendant les conditions d'exposition et d'insolation plus difficiles.
Ainsi, la distribution des sites ne répond pas uniquement à des facteurs climatiques globaux, variables dans le temps. "La durée journalière de l'ensoleillement semble bien être un des critères discriminants" (Bracco, 1996).
► BILAN : Les critères d'implantation des gisements du Velay semblent donc très stables pendant toute la durée du Paléolithique supérieur :
- localisation dans des vallées ;
- altitude et orientation liées à l'exposition et à l'ensoleillement.
→
Les avantages d'une localisation privilégiée dans les vallées peuvent être décrites comme suit (Bracco, 1996) :
• les vallées représentent les zones de basses altitude et les seules libres de glace pendant une grande partie de la fin de la dernière glaciation ;
• par rapport aux plateaux, elles sont très riches en falaises basaltiques ;
• elles offrent la proximité des matières premières dont les gîtes se trouvent au sein des épandages de galets alluviaux : silex (chailles) et dans une moindre mesure galets de quartz ;
• l'accès à l'eau est immédiat ; les plateaux environnants sont eux-aussi riches en sources ou lacs, notamment celui du Devès ; mais il n'est pas certain que ceux-ci étaient disponibles à la fin du Pléistocène : des travaux récents ont confirmé par exemple que l'englacement du lac du Bouchet a pu, au pléni-Würm, durer plusieurs siècles ; actuellement, le cycle de gel annuel sur le plateau est encore de plusieurs semaines ;
• enfin, les zones ouvertes permettent un bien meilleur ensoleillement.
Gorges de l'Allier dans les monts du Velay. .