LES PREUVES DE L'EXISTENCE DES VÊTEMENTS AU SOLUTRÉEN.
► Le climat.Un certain nombre d'indices convergents permettent d'affirmer que les hommes du Solutréen portaient des vêtements, d'autant que les
conditions climatiques rigoureuses impliquent qu'il leur était sans doute vital de se protéger du froid.
L'étude des habitudes de vie des paléolithiques montre qu'ils ont cherché à se protéger du froid par différents moyens, comme le feu, la recherche d'abris naturels ou la confection d'abris artificiels ;
le vêtement s'inscrit dans cette logique.
→ Toutefois, cette seule explication ne suffit pas : ainsi, "durant les rudes hivers de Patagonie, les Yaghans dorment et vivent à peu près nus sous des températures inférieures à 0°C" (Jude, 1965, in Duhard, Réalisme de l'image masculine paléolithique, 1995). Ils portaient une simple sorte de cape en peau, attachée autours du cou, et qu'ils faisaient glisser sur leur corps selon la direction du vent pour s'en protéger.
De la même façon, Chaline (2000) rapporte que les Alakalufs, un autre groupe indigène de Patagonie, vivaient presque nus. "Pour lutter contre les conditions climatiques rigoureuses de cette région d'Amérique du Sud balayée par les tempêtes, ils portaient une courte cape en peau de phoque".
Ainsi, en dépit des conditions climatiques, "
il existe donc des exceptions à cette règle de l'habillement, et il a pu en être de même aux temps paléolithiques" (Duhard, 1995).
Néanmoins, bien que les preuves directes de l'existence de vêtements et de chaussures au Paléolithique supérieur manquent totalement, leur existence est probable ; il existe de nombreuses preuves indirectes de leur existence.
► Industrie lithique et osseuse.Un des premiers indices est constitué par l'industrie lithique et osseuse solutréenne :
• Tout au long du Paléolithique, on observe "une augmentation manifeste de la quantité d'esquilles d'os affûtés, vraisemblablement des alênes, et des perçoirs en pierre" (Echegaray et Freeman, Le paléolithique inférieur et moyen en Espagne, 1998).
• Dans la plupart des sites solutréens, on retrouve des
poinçons, ainsi qu'un "
matériel [lithique] très complexe utilisé pour la préparation des peaux" (Breuil et Lantier, 1959).
• Enfin, c'est au cours du Solutréen qu'apparait l'aiguille à chas, "un des rares outils du Paléolithique supérieur dont on soit certain de la fonction précise tant elle est semblable à celles que nous utilisons actuellement" (Stordeur-Yedid, 1979).
On s'accorde en général pour penser que l'apparition des aiguilles à chas "constitue la première preuve de l'existence du costume taillé. [Cependant] l'absence d'aiguilles à chas dans les ensembles pré-solutréens ne prouve pas que les hommes plus anciens n'étaient pas capables de fabriquer les vêtements assemblés grossièrement taillés" (Echegaray et Freeman, 1998).
Mais l'aiguille à chas permet des travaux minutieux dont l'habillement a certainement bénéficié (Leroi-Gourhan, 1988).
Aiguille brisée de
l'abri André Ragout
(in Balout, 1958).
► Art paléolithique.La représentation des vêtements dans l'art paléolithique n'est qu'exceptionnelle : les figures humaines sont généralement représentées nues. Cependant, Patte souligne en 1976 que la nudité des représentations artistiques ne permet pas de conclure à la nudité des hommes de cette époque, pas plus au cours de la Préhistoire que lors des périodes historiques (in Camps, 1990).
• Leroi-Gourhan note qu'un certain nombre de représentations paléolithiques évoquent des vêtements. Certaines Vénus, comme celle de Willendorf, en Autriche (Gravettien), ou celle de Brassempouy dans les Landes (Périgordien supérieur), portent une sorte de résille "qui peut suggérer une coiffe" (Leroi-Gourhan, 1988).
Dame de Brassempouy ou Dame à la capuche,
fragment de statuette en ivoire, Gravettien moyen (26 000 / 24 000 BP) • Les hommes représentés à Kostienki en Russie semblent porter des sortes de ceinturons (ibid.) ; ceux de Lespugue en Haute-Garonne (Périgordien supérieur) ont des "sortes de tabliers" (ibid.).
• Enfin, à Mal'ta en Sibérie, les êtres humains sont représentés vêtus avec des "habits à capuchons" (ibid.).
Photo : Jelinek J., 1972: Das grosse Bilderlexikon des Menschen in der Vorzeit, Gütersloh. Bertelsmann-Lexikon-Verlag. ► Autres indices.• Le sol de la grotte de Fontanet en Ariège a conservé des empreintes de pas aux contours flous évoquant "un
pied chaussé d'un mocassin" (Leroi-Gourhan, 1988).
photo : Clottes, 1995.
Il y a 12 000 ans, un Magdalénien aux pieds chaussés de mocassins a marché
dans la grotte de Fontanet, en Ariège. L'empreinte qu'il a laissée est visible
ci-contre à droite, à côté d'une série de marques sans rapport avec elle.
Elle ne comprend pas d'impression d'orteils, contrairement à de nombreuses
autres traces de pas laissées dans la même matière (calcite molle) et dans la même grotte.
• Certaines
sépultures suggèrent aussi l'existence de vêtements.
Par exemple, à Sungir en Russie (25 000 à 21 000 ans), les corps sont partiellement recouverts de coquillages et de perles d'ivoire qui devaient bien être fixés "sur un support qui ne pouvait guère être autre chose qu'un vêtement" (Leroi-Gourhan, 1988).
Sépulture de Sungir ; photo : J. Jelinek, The Evolution of Man.
Proposition de reconstitutions des vêtements de Sungir, par Libor Balàk :