► Les habitats de plein-air. Aucun habitat de plein-air solutréen n'est connu en Charente, ce qui est certainement dû à la difficulté de retrouver ces sites. En effet, les sites de plein air correspondent à une "occupation sans rapport avec une grotte ou un abri naturel", ce qui "suppose le plus souvent la mise en place d'un abri artificiel" (Leroi-Gourhan, 1988).
Les informations archéologiques manquent donc en ce qui concerne ces sites du fait de leur exposition aux intempéries.
LES HABITATS DE PLEIN AIR AU PALÉOLITHIQUE SUPÉRIEUR.• Les hommes du Paléolithique étaient des nomades, qui séjournaient tantôt dans les installations sédentaires (sortes de camps de base, en abri sous-roche ou en plein air), tantôt dans des installations plus légères pour les chasses saisonnières ou la collecte des différents matériaux nécessaires à leur industrie (silex, bois...).
On peut ainsi distinguer deux types d'habitats de plein-air :
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les tentes, structures assez lourdes, qui à la fin de l'occupation étaient démontées et emmenées,
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les huttes, dont l'armature plus légère était souvent abandonnée.
• Selon les périodes, les conditions climatiques et environnementales, divers matériaux (aussi bien végétaux qu'animaux) pouvaient être utilisés pour confectionner les armatures (bois, ossements) et les couvertures (végétaux, peaux).
• Enfin, on peut imaginer que compte-tenu des conditions climatiques rudes du Solutréen, les hommes avaient développé des techniques afin de se protéger du froid, sans que des traces archéologiques ne soient retrouvées.
dessin : André Houot.
Les traces d'aménagements et la répartition des vestiges nous apprennent que les habitations paléolithiques étaient de forme plutôt circulaires (les habitations rondes, type tipi, yourte ou igloo, résistent mieux aux vents violents), d'une superficie pouvant atteindre 7 m² ; leurs toitures pouvaient être de formes pointues ou arrondies.
Ces habitations pouvaient être regroupées pour former des ensembles d'habitats, en campement : "ce terme de plus en plus justifié rend sensible l'aspect collectif et complémentaire des installations de certains groupes au Paléolithique supérieur" (Mohen et Taborin, 1998).
→ Cependant, de nombreux facteurs qui nous sont inconnus entrent en compte dans la forme des habitats, comme l'influence éventuelle de la saison, le degré de nomadisme du groupe, mais aussi de nombreux choix symboliques ou culturels.
A titre de comparaison, on peut évoquer la variabilité de la forme des habitats traditionnels des tribus nomades nord-amérindiennes : COMPARAISONS ETHNOGRAPHIQUES.• Afin d'illustrer une technique possible pour lutter contre le froid, prenons l'exemple des
Evènes, ethnie du Nord de la Sibérie et de l'Extrème-Orient russe. Les Evènes vivent de la chasse, de la pèche et de l'élevage de rennes. Dans leurs tentes, des grandes fourrures de rennes recouvrent le sol et isolent du froid. Lorsqu'il fait très froid, au delà de moins 50, les Evènes ont pour habitude de recouvrir le toit de leur tente d'épaisses peaux de rennes qui empêchent la chaleur dégagée par le foyer de s'échapper.
• Yves Labrèche a étudié les habitations des
Inuits au Nunavik dans le Québec arctique (
Habitations, camps et territoires des Inuit de la région de Kangiqsujuaq-Salluit, Nunavik,
Études/Inuit/Studies, vol. 27, n° 1-2, 2003).
"Selon nos informateurs de Kangiqsujuaq, les tentes comprenant une plate-forme arrière et appuyées sur une paroi rocheuse étaient couvertes de peaux. La peau du caribou était davantage recherchée à l'automne. Plus légère que celle du phoque, elle laissait également passer plus de lumière lorsqu'elle était utilisée comme couverture de la tente. Par ailleurs, la peau de phoque est plus imperméable et c'est probablement pour cette raison qu'en été, les tentes étaient généralement couvertes de peaux de phoque."
"La tente était faite d'une dizaine de poteaux de bois recouverts de 10 à 15 peaux de phoque barbu retenues par des pierres. Au printemps, on prolongeait la durée de l'iglou en remplaçant une partie du dôme par une couverture de peaux de caribou. Or c'était apparemment un isolant moins efficace que la neige contre le froid. En automne, les parois de la tente étaient renforcées avec de la neige. Ce recyclage des couvertures permettait en même temps d'éviter qu'elles ne pourrissent ou ne soient rongées par les souris pendant l'entreposage".
"En Ungava, le renouvellement des couvertures d'habitation semble avoir eu lieu surtout au printemps, car en automne, les femmes devaient confectionner intensivement des vêtements en peau de caribou."
ARCHÉOLOGIE EXPÉRIMENTALE.
• De nombreux essais d'archéologie expérimentale ont été menés pour reconstituer des habitats paléolithiques de plein-air.
→ Les traces retrouvées au sol, trous de poteaux, galets, dallage ou foyer, ouvrent de nombreuses possibilités et chaque auteur peut présenter sa propre reconstitution.
• L'étude des vestiges laissés sur un site comme celui de Pincevent, sur la commune de La Grande Paroisse en Seine-et-Marne, permet d'en apprendre plus sur les habitats de plein-air paléolithiques.Ce site, étudié par A. Leroi-Gourhan à partir de 1964, a été occupé il y a environ 12 300 ans (au Magdalénien), à plusieurs reprises, du début de l'été au début de l'hiver.
Les zones d'habitat ont montré des aires d'activités circulaires. A partir des traces retrouvées au sol (foyers, trous de poteaux, pierres de calage, dallages... ou encore par l'analyse de la répartition différentes des vestiges de part et d'autre d'une paroi), diverses reconstitutions d'habitats ont été réalisées.
EXEMPLES DE RECONSTITUTIONS :
→ Reconstitution d'habitation d'après la répartition spatiale des vestiges archéologiques, site de Pincevent.
→ Reconstitution d'un habitat de Pincevent par José-Manuel Benito.
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Reconstitution d'une tente paléolithique de Pincevent :
sorte de tipi de trois mètres de diamètre, composé d'un bourrelet de limon le long des parois, de perches en châtaigner avec des fixations en lanières de cuir, des peaux de rennes et de l'ocre sur le sol(Parc archéologique Asnapio, commune de Villeneuve d'Asqc, dans le Nord) :
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Reconstitution expérimentale d'un habitat magdalénien par Lucien Jourdan et Jean-Pierre Leroy :
ici.
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